A quoi sert le travail

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Philippe Zafirian est l'un des plus importants sociologues français contemporains.

Je n'ai pas pu trouver de biographie officielle, mais un résumé de son CV se trouve au bas de cette page bibliographique, voir http://perso.wanadoo.fr/philippe.zarifian/page1.htm

Sa page d'accueil à http://perso.wanadoo.fr/philippe.zarifian/, contient une quantité extraordinaire de matériel intéressant.

Le livre des clés : Philippe Zafirian. A quoi sert le travail ?, éditions La Dispute, janvier 2003, 156 pages.

Quelques citations basées sur ses recherches :

Traduit avec www.DeepL.com/Translator


sur le malaise des travailleurs dans l'entreprise contemporaine:

“Depuis plusieurs années, les enquêtes nationales ne cessent de nous indiquer une nette dégradation des conditions de travail, telle que les salariés la vivent et la déclarent. Les enquêtes sociologiques de terrain le confirment : c'est à un phénomène de vaste ampleur que nous avons à faire. Les individus au travail souffrent et ils l'expriment. On pourrait certes débattre des moteurs internes de cette souffrance : tous les chercheurs ne sont pas d'accord sur ce point. Mais il me semble qu'une réalité s'impose, par son évidence et son importance : les salariés plient sous la pression, elle les écrase. La pression n'est pas simple contrainte. Toute personne se développe en permanence, dans sa vie personnelle, dans un réseau de contraintes. Les indicateurs de cette pression, nous les connaissons bien : débit, rendement, délais clients, challenges, pression des résultats à atteindre, précarité de la situation, organisation de la concurrence entre salariés, salaire individuel variable… On y relève à la fois la reprise de vieilles recettes tayloriennes, mais aussi quelque chose de nouveau, de plus insidieux : la pression sur la subjectivité même de l'individu au travail, une force qui s'exerce sur son esprit, qui l'opprime de l'intérieur de lui-même, qui l'aliène. Mais il existe une autre facette de la situation actuelle : la montée de la révolte. Celle-ci transparaît beaucoup moins dans les statistiques ; elle s'extériorise moins en termes de conflits ouverts. Toutefois, pour un sociologue qui mène en permanence des enquêtes de terrain, le fait est peu contestable. On peut pressentir l'explosion d'une révolte d'une portée équivalente à celle qui a secoué la France à la fin des années 60, début des années 70, lors des grandes insurrections des O.S (red : ‘Ouvriers Specialises’)., quelles que soit les formes d'extériorisation qu'elle prendra. La révolte n'est pas simple réaction à la pression. Elle a des causes plus profondes. Elle renvoie d'abord à une évolution profonde, irréversible, de la libre individualité dans une société moderne. Elle touche enfin à ce phénomène important : à force de devoir se confronter à des performances, à des indicateurs de gestion, à une responsabilité quant au service rendu à l'usager ou au client, les salariés ont développé une intelligence des questions de stratégie d'entreprise. Ils jugent, et d'une certaine manière comprennent les politiques de leurs directions, voire en situent les contradictions et insuffisances. Mais il leur est d'autant plus insupportable d'être traités comme de purs exécutants, des machines sans âme et sans pensée propre, d'être en permanence mis devant le fait accompli. Je pense que notre époque connaît un véritable renversement : bien des salariés de base deviennent plus intelligents que leurs directions et que les actionnaires, au sens d'une pensée plus riche, plus complexe, plus subtile, plus compréhensive, plus profondément innovante. » (http://seminaire.samizdat.net/imprim-article.php3?id_article=98 )


Du pouvoir disciplinaire au pouvoir par le contrôle et la modulation, par Philippe Zafirian


"Gilles Deleuze, commentant Foucault, a développé une formidable intuition : nous basculons, disait-il, de la société disciplinaire dans la société de contrôle. Ou, pour dire les choses de manière légèrement différente, de la société de contrôle disciplinaire à la société de contrôle d'engagement . Sous une première face, on pourra interpréter ce contrôle comme une forme d'exercice d'un pouvoir de domination, d'un pouvoir structurellement inégalitaire, agissant de manière instrumentale sur l'action des autres. Ce contrôle d'engagement se distingue, en profondeur, du contrôle disciplinaire en ce qu'il n'impose plus le moule des "tâches", de l'assignation à un poste de travail, de l'enfermement dans la discipline d'usine. Il n'enferme plus, ni dans l'espace, ni dans le temps. Il cesse de se présenter comme clôture dans la cellule d'une prison, elle-même placée sous constante surveillance. Selon l'intuition de Deleuze, on passe du moule à la modulation, de l'enfermement à la circulation à l'air libre, de l'usine à la mobilité inter-entreprises. Tout devient modulable : le temps de travail, l'espace professionnel, le lien à l'entreprise, les résultats à atteindre, la rémunération… La contractualisation entre le salarié et l'employeur cesse elle-même d'être rigide et stable. Elle devient perpétuellement renégociable. Tout est en permanence susceptible d'être remis en cause, modifié, altéré.

Mais c'est la modulation de l'engagement subjectif qui me semble être au cœur du basculement. J'ai proposé une image simple : celui du contrôle par élastique. Le salarié peut, librement, tirer sur l'élastique : il n'est pas enfermé, il peut se mouvoir, se déplacer au gré de ses initiatives et de son savoir-faire, de ses facultés propre de jugement. Mais voici que l'élastique se tend, une pression s'exerce sur lui : une force périodique de rappel s'exprime avec intensité. Il doit rendre des comptes à son supérieur hiérarchique, qui lui-même doit, en cascade, en rendre compte à la direction de l'entreprise, qui, le cas échéant, devra en rendre compte aux principaux actionnaires. Rendre des comptes sur des résultats de performance. La force de rappel sera d'autant plus forte et violente que les résultats attendus ont été fixés à un niveau élevé, lui-même périodiquement modulable."

(source: http://perso.wanadoo.fr/philippe.zarifian/page109.htm )

Voir aussi ses deux importantes contributions sur "la nouvelle nature du travail", 3 thèses de Philippe Zafirian, basées sur sept années d'études dans de grandes institutions et entreprises.