Capitalisme Cognitif

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Concept et livre de Yann Moulier Boutang.


Le Livre

Critique

Extrait d'une longue critique de Jean Zin [1]:

"C’est un livre que tout le monde devrait lire, au moins les économistes, car il fait le point d’études économiques trop méconnues sur les transformations du capitalisme et du travail à l’ère de l’information alors, qu’à part une frange du patronat qui s’y trouve confrontée très concrètement et tente d’en tirer profit, tout le monde semble faire comme si rien n’avait changé, que ce soient les syndicats, les politiques et même la plupart des économistes (libéraux aussi bien que ce qui reste de marxistes à l’ancienne). Il faut dire que, pour tous ceux qui en sont restés à l’ère industrielle, du fordisme et de la "valeur-travail", il est bien difficile de comprendre la logique de cette "nouvelle économie" si déroutante, en réduisant l’analyse à déclarer ce capitalisme "financier", ce qui est une tautologie ! Pour cette impuissance à comprendre ce qui constitue une nouveauté radicale, Yann Moulier-Boutang utilise l’image du "vieux vin dans de nouvelles bouteilles" ou du "vin nouveau dans de vieilles bouteilles", selon qu’on garde l’idéologie pour l’appliquer aux réalités nouvelles, ou qu’on change d’idéologie pour l’appliquer à des réalités anciennes. On peut se demander d’ailleurs si le reproche ne peut lui être retourné dans une certaine mesure, mais, ce qui est sûr, c’est que, ce dont nous avons besoin, ce sont de nouvelles théories pour une réalité nouvelle !

Ces théories existent. Contrairement aux essayistes qui veulent nous faire croire qu’ils ont tout inventé et tirent de leur génie la lumière dont ils éclairent le monde, Yann Moulier-Boutang, comme tous les gens sérieux, nous donne ses références et tous les noms des auteurs et des ouvrages dont il a fait son miel. C’est en s’appuyant sur un grand nombre de travaux d’économistes ou d’autres chercheurs, reliant ainsi des savoirs dispersés, qu’il déroule une démonstration implacable de notre "nouvelle économie" et peut en proposer une théorie alternative à l’économie mathématique.

Malgré un large accord sur la plupart des analyses, nous discuterons cependant les deux thèses qui justifient son titre, d’abord le fait que l’économie "cognitive" plus que l’économie de l’information caractériserait notre époque, mais surtout le fait que le capitalisme soit vraiment compatible avec cette nouvelle économie de l’immatériel, alors que tout montre au contraire son inadaptation, aussi bien sur les droits de propriété que sur le salariat : c’est véritablement un nouveau système de production." (http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=28839)


Citations de Yann Moulier Boutang

“Le capitalisme dans a nouvelle phase a besoin du communisme des multitudes. Dans l’economie cognitive, la loi de la valeur est contre-productive. En effet, la productivite considerable de la cooperation sociale n’est pas produite dans le marche et par le marche, mais le precede comme sa condition."

(quoted from Yann-Moulier Boutang, Multitudes mailing list)

« La thèse défendue ici sera celle d'une nouvelle “grande transformation ' (pour reprendre l'expression de Karl Polanyi) de l'économie et donc de l'économie politique (…) Certes, ce n'est pas une rupture dans le mode de production car nous sommes toujours dans le capitalisme, mais les composantes de ce dernier sont aussi renouvelées que celles du capitalisme industriel ont pu l'être par rapport au capitalisme marchand (en particulier dans le statut du travail dépendant qui passe du second servage et esclavage au salariat libre). Pour désigner la métamorphose en cours nous recourrons à la notion de capitalisme cognitif comme troisième espèce de capitalisme. »

From: Yann-Moulier Boutang in http://multitudes.samizdat.net/article.php3?id_article=1656 ; See also http://www.ish-lyon.cnrs.fr/labo/walras/Objets/New/20021214/YMB.pdf


"Il y a trois mauvaises réponses au problème de comprendre véritablement les transformations actuelles du capitalisme.

La première est de vouloir sauver la lutte de classe (donc une continuité des luttes ouvrières) à n’importe quel prix, face à un discours qui a évacué tout antagonisme, et ce faisant de revenir à la position « classique » du Mouvement Ouvrier : celle qui affirme qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil de l’exploitation et du capitalisme. Cette attitude est compréhensible. Elle refuse de « désespérer Billancourt » comme disait J.P. Sartre. Le problème est que les usines Renault de Billancourt ont été intégralement rasées (sauf le siège social et encore puisque le consortium Renault-Nissan siège désormais aux Pays-Bas !!)

La seconde, symétrique et opposée de la position précédente consiste, en voulant sauver la discontinuité et les transformations réelles du capitalisme, de se retrouver dans un l’espace irénique d’une utopie capitaliste qui a évacué tout antagonisme. C’est le péché mignon techniciste des experts ou savants qu’ils soient rattachés aux entreprises ou qu’ils adoptent le point de vue de l’administration étatique ou enfin qu’ils soient des anciens militants engagés déçus de l’aveuglement dont font preuve les « radicaux ».

La troisième solution, plus subtile, consiste à prendre une moitié de chacun des deux précédentes positions et de fabriquer un hybride : les luttes ouvrières fordistes plaquées sur le nouveau capitaliste.

Cette voie peut sembler à première vue ne renoncer à aucun des avantages des deux précédentes, sans avoir leur défaut. Le seul ennui est que son résultat est sans doute encore pire. Les trois solutions ne mènent nulle part. La première, à l’heure des luttes de libération et des nouvelles formes d’exploitations là où on ne les attend pas, consiste à faire de l’ouvriérisme, du travaillisme et du « marxisme des bègues » là où les ouvriers ont perdu l’hégémonie, là où le travail n’est plus dans l’emploi, là où enfin, le critère de classe est devenu une sociologie apologétique du déterminisme social et non la catégorie révolutionnaire qui refend les ordres du social. La seconde solution, celle de l’utopie d’un capitalisme de la révolution permanente passée tout entière dans la technique, à la différence du socialisme utopique d’autrefois ne mène nulle part non plus, au sens où elle ne débouche sur aucune subjectivité ou corporéité d’un projet politique autre que l’adaptation, l’adaptation sans autre programme qu’une survie. La troisième solution est sans doute la plus dangereuse, car elle semble, à première vue, fournir une perspective sur l’évolution du monde réel tout en appuyant la critique de ce dernier sur des conflits ou des mouvements sociaux. Mais on s’apercevra vite que c’est sur un théâtre d’ombres que l’on se trouve. Les mouvements fordistes, comme dans le post-moderne, sont des citations rapportées dans un tout autre jeu. Et du même coup, le capitalisme qu’on croyait avoir capturé fait le trompe l’œil d’un décor, sans que vous ayez jamais réussi à en coincer le machiniste.

Quelle est alors la solution ? Elle se trouve dans la solution 4 : celle qui fait la double hypothèse d’une discontinuité de l’antagonisme social et simultanément d’une discontinuité dans le capitalisme.


Continuité de l’antagonisme social //Discontinuité du capitalisme //Problèmes principaux


Solution 1 //OUI //NON //Déphasage complet

Solution 2 //NON //OUI //Suppression du politique

Solution 3 //OUI //OUI //Échec stratégique

Solution 4 //NON //OUI //Identification et nature de l’antagonisme


C’est évidemment la solution la plus risquée intellectuellement. Celle qui comporte la plus forte dose de pari et d’inconnu. Pourtant, c’est cette configuration qui se vérifie à notre avis dans l’actuelle mondialisation.On a la conjonction d’une discontinuité profonde dans l’antagonisme social par rapport au fordisme et d’une discontinuité tout aussi profonde dans le mode d’accumulation du capital." (http://multitudes.samizdat.net/Antagonism-under-cognitive.html)


Plus d'information

Critique from the French Trotskyist Michel Husson, in: : Sommes nous entrés dans le capitalisme cognitif ?Critique communiste n°169-170, été-automne 2003

Autres Livres a Lire

1) Andre Gozr. L'immateriel. 2003

(« avec ses deux derniers ouvrages Misères du présent, richesse du possible (1997) et l'Immatériel (2003), Gorz produit un renouvellement profond. Le dernier livre d'André Gorz revient sur l'évolution la plus récente du capitalisme et le rapport entre valeur, capital et connaissance. En ce sens, il justifie théoriquement et historiquement les conclusions pratiques et politiques annoncées en 1997 : la nécessité de rebâtir la protection sociale, et un salariat affaibli dans sa contrainte sur un revenu inconditionnel d'existence d'un niveau substantiel ( pp. 99-104).Hormis le quatrième chapitre qui attaque le post-humanisme, le livre est tout entier dédié à l'analyse de l'immatériel, à la naissance d'une " dissidence numérique " au sein des secteurs les plus avancés de la nouvelle économie. Ce faisant, André Gorz est conduit à discuter les thèses du troisième capitalisme ou capitalisme cognitifs que nous sommes quelques uns à défendre ( par exemple dans l'ouvrage collectif Sommes-nous sortis du capitalisme industriel ? (sous la direction de CarloVercellone,La Dispute, Paris 2003) et dans la Revue Multitudes. André Gorz est un lecteur attentif et exigeant : il perçoit les enjeux politiques d'une évaluation correcte de l'étendue des transformations en cours du capitalisme, en particulier la question des externalités pour nous cruciale, et le caractère central pour la valorisation capitaliste de la production de connaissance au moyen du cerveau vivant collectif des réseaux numériques. Il perçoit bien la dissidence numérique ( belle expression) comme l'allusion à un monde digital. Livre salubre, salutaire, donc qu'il ne faut pas résumer. Bornons-nous ici à trois remarques autour de notions qu'il met en jeu, pour alimenter un débat qui ne fait que commencer : celle de la distinction savoir/connaissance , celle de machine humaines, celle enfin du capitalisme cognitif - crise . - From the Multitudes mailing list)


2) La place des chaussettes. Christian Marazzi. L'eclat, 2001, on the linguistic turn of capitalism;

(Pour Christian Marazzi , le travail est promis à de nouveaux développements. Tous les domaines où l'activité humaine est matière à langage peuvent être réquisitionnés, le travail domestique en particulier. Ainsi, les prophéties millénaristes sur la fin du travail n'ont guère d'autre but que de leurer ceux qui n'ont pas de travail, et l'engagement du langage sur le marché de l'emploi, aux lieux et places de la force ou de la qualification, met l'ensemble de la population en situation de travail, sans pour autant en assurer la rémunération. «Travailler en communiquant», tel est le nouveau mot d'ordre de notre époque ou bien: “emphase sur un capitalisme sémiotique qui met au travail le langage, les formes symboliques de la socialité" )


3) Corsani et al. Vers un capitalisme cognitif. L’harmattan, 2001;

(accent mis sur un troisième capitalisme, d'abord marchand puis industriel, celui ci, en adéquation avec le développement du general intellect, de l'intellectualité de masse , muterait en capitalisme cognitif)


4) Sommes-nous sortis du capitalisme industriel? (sous la direction de Carlo Vercellone). Ed. La Dispute;

(“Les mutations en cours du capitalisme ont conduit des économistes à poser l'hypothèse d'une nouvelle phase historique du capitalisme, qualifiée de «capitalisme cognitif». Cette transformation trouverait notamment son origine dans la diffusion du savoir et la montée du travail immatériel remettant en cause les formes de la division du travail et du progrès technique du «capitalisme industriel». Cette hypothèse suscite un débat dont les principaux arguments sont développés dans cet ouvrage. Si certains auteurs privilégient la thèse du capitalisme financier comme facteur déterminant de la transformation des rapports sociaux de production, d1autres mettent l'accent sur une multiplicité de tendances dont il est prématuré d'affirmer à quelle configuration achevée elles mènent. D'autres encore insistent sur l'importance des mutations de la division internationale du travail ou sur celle d'une mise en perspective historique pour comprendre le nouveau visage du capitalisme. Les enjeux de ce débat sont loin de n’être que théoriques. L'un d'entre eux, développé dans la troisième partie du livre, est la proposition d'un revenu social garanti comme vecteur d'une reforme radicale des normes de répartition de la richesse. Les auteurs : François Chesnais, Antonella Corsani, Jean-Claude Delaunay, Patrick Dieuaide, Pierre Dockès, Marc Heim, Rémy Herrera, El Mouhoub Mouhoud, Yann Moulier-Boutang, René Passet, Pascal Petit, Geneviève Schméder, Claude Serfati, Luc Soete et Carlo Vercellone; postface par Bernard Paulré.")


5) Vercellone C. (ed), Transformations de la division du travail et nouvelles regulations. Le crepuscule du capitalisme industriel ?, Paris, l'Harmattan;


6) Maurizio Lazzarato. Les Revolutions du Capitalisme.Les Empecheurs de Penser en Rond, 2004.


7) "Le nouvel esprit du capitalisme" de Boltanski et Chiapello. Gallimard, 1999.