Délicate transition – De l’émergence à la convergence

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Livre de Christine Marsan "Délicate transition : De l’émergence à la convergence, une ode aux explorateurs de RenaiSens".

Préface de Michel Bauwens

"Tous les cinq ou six siècles, il semblerait que la société européenne change assez fondamentalement de « régime de valeur ». Valeur au sens économique, mais surtout aussi « valeurs », c’est-à-dire les grands principes qui guident et orientent la vie humaine, individuelle et sociale. Au XIe siècle, sous l’impulsion d’une grande mobilisation populaire dans le sud de la France (le mouvement de la Paix de Dieu), un nouveau contrat social établissait les bases du régime féodal. Désormais, la richesse ne viendrait plus de la violence conquérante, mais du surplus de la terre. Mieux connu, fut le grand changement social, technologique et religieux qui commença au XVIe siècle, et qui établissait encore une fois un nouveau régime de valeur, celui de la marchandise, et qui deviendra, à partir du XVIIIe siècle, le capitalisme conquérant.

Nous sommes de retour à l’aube de grands chambardements, et cette fois-ci à l’échelle de la planète entière. Le règne de la marchandise, qui a quasiment envahi toute la vie humaine, qui a fini par sérieusement mettre en danger notre planète, tout en créant des inégalités insupportables, est remis en cause par l’avènement d’un nouveau système de valeurs.

Au niveau de la valeur « économique », ce changement est peut-être le mieux analysé par le philosophe de la technologie Bernard Stiegler. Il présente le concept de l’émergence d’une économie contributive, une économie de la contribution. En effet, les technologies de réseaux ont créé une nouvelle réalité organisationnelle qui permet l’émergence de grands systèmes ouverts basés sur la contribution, et qui rendent possible la « production entre pairs ». Désormais, au cœur même du capitalisme, nous voyons des grands communs se partager. C’est-à-dire des contributeurs - et non du travail-marchandise - mutualisent la connaissance et les ressources nécessaires à la production, dans des communs de la connaissance (logiciels et conceptions en mode open source, c’est-à-dire non propriétaire marchand), et donc plus la sacro-sainte forme marchande.

La grande question est aujourd’hui : qui va manger qui ? Est-ce que le capitalisme va coopter ces nouvelles formes ? La réponse est oui, tout comme les nouvelles formes féodales et capitalistes ont d’abord servi à prolonger la vie des systèmes antérieurs qui étaient entrés en crises. Mais dans le long terme le régime « extractiviste » (qui réalise des extractions), qui détruit les conditions mêmes de la vie humaine, touche à sa fin. Une nouvelle lutte s’impose. De nouvelles formes sociales et même entrepreneuriales (c’est important, car nous devons pouvoir vivre de nos contributions aux communs) doivent aujourd’hui penser aux processus inverses.

Comment recycler les vastes ressources qui sont contrôlées par la sphère financière, pour son propre développement autonome ? La vraie lutte civilisationnelle n’est effectivement pas une question de partage du gâteau économique, mais la nouvelle définition de ce qu’est aujourd’hui la « valeur ».

Toutefois, la valeur économique n’est évidemment qu’un des aspects de ce grand changement de paradigme, que nous avons besoin de comprendre dans toute sa complexité et son intégralité. Nous avons donc besoin de guides qui nous aident à penser et à agir, en nous offrant des cadres et des concepts pour pouvoir nous orienter. C’est bien le mérite de cet ouvrage de Christine Marsan, qui nous apprend tout d’abord à bien voir ce qui se passe, c’est-àdire voir l’émergence tout à fait concrète de ce nouveau modèle.

Mais au-delà de ce foisonnement d’initiatives, surtout civiques cette fois-ci -car dans le nouveau modèle, c’est bien la sphère citoyenne qui devient productive de la valeur-, nous voyons aussi une trop grande fragmentation.

Comment trouver au-delà de cette riche diversité, une convergence des efforts ? Pouvons-nous co-créer des récits communs qui nous aident, non pas à suivre des directives « d’en haut » (hiérarchiques et pyramidales), mais bien à nous coordonner librement, et faire en sorte que nos efforts se renforcent les uns avec les autres, pour en faire non seulement une grande variété d’alternatives, mais bien surtout, un nouveau « système ». Un sous-système demain, pour devenir le cadre de la nouvelle civilisation de l’après-demain.

Ce qui a toujours manqué aux forces progressistes et émancipatrices, c’est une fine connaissance de la complexité psychologique. Ce manque est comblé ici par l’introduction que nous offre Christine Marsan, aux compréhensions de la nouvelle psychologie intégrale, qui nous explique les différents référentiels de valeurs, complexes car interpénétrés. Selon les groupes humains, certains référentiels sont dominants et peuvent freiner ou aider, la transition. Aucun changement dans le monde objectif des choses et des systèmes, ne peut être, en effet, mené à bien sans changement subjectif, aussi bien à l’intérieur de nous-même (le subjectif), qu’entre nous-mêmes, (c’est-à-dire l’intersubjectif).

Voilà le grand chantier qu’ouvre ce livre important. La question essentielle est donc bien, que pouvons-nous faire pour transcender les obstacles psychologiques que la machine infernale et marchande a créés dans nos âmes, et qui nous bloquent pour être plus engagés dans cette transition nécessaire et inévitable ? Car ne nous faisons pas d’illusions, nous n’avons plus de temps, tout au plus 20 ans, pour limiter les catastrophes écologiques qui se préparent.

Notre « équipement humain » doit être à la hauteur des changements auxquels la survie de la planète et de l’humanité toute entière nous appelle.

Suivons-donc le guide !"

Sommaire de l'ouvrage

  • Première partie
    • Chapitre 1 : Le changement de paradigme
    • Chapitre 3 : Les étapes de la RenaiSens
  • Deuxième partie
    • Chapitre 4 : Les citoyens entrent dans la danse
    • Chapitre 5 : L’évolution de la conscience humaine : la spirale dynamique
  • Troisième partie
    • Chapitre 6 : Les freins psychologiques au changement
    • Chapitre 8 : Mise en perspective des paradigmes et typologies des acteurs de la mutation
    • Chapitre 9 : Les caractéristiques de notre transition : vers la convergence
  • Quatrième partie
    • Chapitre 10 : La coopération, vecteur de transition
    • Chapitre 12 : Du désenchantement au réenchantement du monde
    • Chapitre 13 : Le processus d’individuation

Introduction

Ils ont essayé de nous enterrer.

Ils ne savaient pas que nous étions des graines.

Proverbe mexicain


Nous sommes contemporains d’une formidable mutation de notre civilisation, période de déconstructions et d’émergences. Aujourd’hui existe une effervescence renaiSente similaire à celle de la Renaissance et nous voulons dans cet ouvrage nous focaliser sur le moment particulier que nous vivons, ce moment de transition durant lequel la forêt de bambous n’est pas encore visible, mais tisse ses racines en rhizome et qui, lorsqu’elle surgira au grand jour, affichera le nouveau modèle de société majoritaire. Avant que n’advienne cette nouvelle étape de notre civilisation, tout est possible et les paradigmes s’affrontent, plusieurs réalités se confrontent corroborant les termes de choc de civilisations ou de cultures ; nous avons alors plusieurs possibles devant nous : la traversée des difficultés et la co-création d’un monde souhaité, ou le statu quo mortifère, voire des régressions conservatrices et violentes qui nous conduisent droit dans le mur des révolutions en tout genre. Etre contemporain d’une métamorphose sociale rend plus difficile la lecture de ce qui s’y passe et l’accélération des échanges d’informations, véhiculés à la vitesse des bandes passantes, plus encore. Avec Internet, pour la première fois de notre humanité, nous avons la possibilité d’avoir accès à une quantité impressionnante de données sur notre histoire. Nous pouvons croiser ces informations, les analyser et prendre le recul nécessaire, de manière quasi instantanée sur les évènements que nous vivons. Bien évidemment cette vision d’ensemble ne peut être exhaustive. La prolifération des données disponibles nous apporte une perception intuitive des phénomènes systémiques qui se produisent sur la planète et nous permet d’innover dans les modalités d’appréhension du réel comme dans les réponses à élaborer.

Notre interconnexion à plus de 7 milliards d’êtres humains, directement ou indirectement, par Internet ou par les mobiles ramène notre planète à la taille d’un village ; les réactions humaines sont aussi instantanées que systémiques. Par conséquent, les étapes de cette transformation sont bien plus rapides que les autres grands changements de paradigme que notre civilisation a connus. C’est au moment de cette effervescence de possibles que doivent se poser les questions de notre futur, quelles sont les graines que nous semons, aujourd’hui pour dessiner consciemment demain ? Nous pouvons choisir de prendre de la hauteur de vue sur ce que nous vivons, capitaliser des leçons de l’Histoire et identifier les répétitions afin d’opérer les choix justes pour le respect des biens communs et de tous les règnes du vivant. Transformations accélérées « Plus qu’une crise, nous vivons une transition fulgurante d’un Ancien Monde vers un monde nouveau. La vitesse de cette transition est sans précédent, du fait à la fois de son accélération, mais aussi de son ampleur. » Pierre Giorgini. Les capacités de stockage des informations ont été augmentées de manière considérable de la disquette aux Teraoctets. La miniaturisation rend les ordinateurs accessibles pour tous. Nomades, ils accentuent les échanges et la masse des données. La vitesse de transmission des informations s’accroît également, et ceci de manière exponentielle de par les évolutions continues des technologies liées au numérique des hardwares aux softwares, aux plateformes comme aux moteurs de recherche. Et tout ceci en quelques décennies... Internet débute dans les années 60, dans les années 80 les technologies sont au point, puis dans les années 90 c’est la démocratisation de son utilisation, création de Google en 1998. Aujourd’hui « 3,5 milliards de demandes sont adressées chaque jour au moteur de recherche Google, plus d’un milliard de personnes ont un compte actif sur Facebook, Apple représente la plus importance capitalisation boursière de la planète, et Amazon, figure emblématique du commerce sur Internet, a vendu pour plus de 75 milliards de produits divers (et pas seulement de livres) l’année dernière (2014). » Jean Staune.

Cependant, cela implique une coopération transdisciplinaire, multiculturelle et intergénérationnelle pour échanger, dialoguer, et co-élaborer les solutions de demain, avec une intention claire et partagée. C’est à cela que notre prospective est conduite aujourd’hui : revoir les modalités d’envisager l’avenir, accepter les tâtonnements, les approximations et la combinaison du raisonnement analytique et intuitif, seul capable d’embrasser plus sûrement une réalité complexe, mouvante, qui se recompose sans cesse de par la multiplicité des milliards d’interactions journalières : transactions financières, informations partagées, communications par les réseaux sociaux... Les effets systémiques rendent imprévisibles les actions humaines et pourtant nous avons toujours besoin de savoir où nous allons.

Les livres de Christine Marsan

  • Intelligence Collective. Co-créons le monde de demain, Yves Michel, 2014.
  • Entrer dans un monde de coopération. Une néo-RenaiSens, Chronique Sociale, 2013.
  • S’approprier les clés de la mutation, (collectif), Chronique Sociale, 2012.
  • L’imaginaire du 11 septembre, des cendres émerge un nouveau monde, Camion Noir, 2012.
  • En quoi le mal nous rend plus humain, L’Harmattan, 2002