Evolution de la recherche à la P2P Foundation

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Discussion

Michel Bauwens :

Y a-t-il une sorte de logique émergente dans la recherche de la Fondation P2P ? Avec le recul, je crois que oui, et voici ma tentative de résumer un aperçu de ce que nous avons été, d'où nous en sommes et où nous allons peut-être.

La première phase a consisté en une étude des transitions historiques passées et de la dialectique particulière que nous croyons pouvoir observer entre la construction préfigurative des formes en germe, leur interconnexion dans les sous-systèmes et l'"aboutissement" des nouvelles normes sociales à la suite de conflits sociaux et politiques majeurs. C'est à peu près une phase que je situerais dans la période 2003-2006, avant la mise en place de notre présence en ligne.

Dans la deuxième phase, nous avons mis l'accent sur la dynamique du pair à pair et la création de communs contemporains, principalement en observant la dynamique institutionnelle des "trois en un" des communs numériques et des économies environnantes. Je dirais que c'est à peu près la période 2007-2010.

Il est donc apparu nécessaire d'approfondir les recherches sur la création de moyens de subsistance éthiques et, en particulier, sur l'interaction entre les communs et le marché; sur la manière d'éviter les relations extractives et de créer des formes de marché qui soient compatibles avec les communs et favorables aux communs, ce qui a donné naissance à des idées bien spécifiques sur la conception institutionnelle d'un marché basé sur les communs. Environ la période 2010-2014. Cet aspect a été exprimé succinctement dans notre étude Value in the Commons Economy.

2014 a été l'année d'un important pivot pour notre travail, puisque l'on nous a demandé d'examiner la transition de l'État-nation équatorien vers une économie sociale de la connaissance. Invités par trois institutions, nous nous sommes concentrés sur la manière de créer des espaces communs de savoir partagé pour chaque domaine de la vie sociale et économique, et sur les conditions matérielles et immatérielles de leur réalisation. Ce que nous ne pouvions pas faire faute de mandat et de moyens, c'était d'examiner les communs matériels. Mais c'est exactement ce que nous avons fait à Gand au printemps 2017, qui était une enquête axée sur les communs urbains très matériels qui croissent de manière exponentielle dans les villes européennes et qui construisent des alternatives pour l'allocation de valeur dans presque tous les systèmes d'approvisionnement vitaux. Tant en Equateur qu'à Gand, nous nous sommes concentrés sur la conception institutionnelle de la coopération public-commun. C'est à peu près la période 2014-2017.

Je pense qu'avec la combinaison de nos points de vue sur la conception institutionnelle des marchés basés sur les communs et des institutions publiques en lien avec les communs, nous sommes en mesure d'appréhender les formes émergentes de coopération entre ces trois domaines vitaux de la vie économique, sociale et politique, c'est-à-dire la société civile des commoners, les coalitions de marché éthique et l'État partenaire qui habilite et facilite.

Mais notez que ces communs matériels allouent des ressources déjà produites, ils ne les produisent pas encore. Un suivi parallèle a donc été développé autour de DGML (Design Global, Manufacture Local), également appelé production cosmo-locale, avec l'aide de notre important laboratoire P2P Lab et d'autres chercheurs comme Jose Ramos à Melbourne. Ce cheminement parallèle sur les conditions d'une production physique durable et orientée vers la communauté nous amène naturellement à notre prochaine phase de recherche, qui est symbolisée par notre publication, Thermo-Dynamic Efficiences of Peer Production, écrite par Céline Piques et Xavier Rizos, qui examine les conditions et capacités bio-physiques sous-jacentes. Comment la construction sociale de l'économie politique des communs, connaissant les limites de sa base de ressources, peut-elle être un domaine de recherche clé pour les prochaines années ? Nous travaillons avec des experts comme James Quilligan et Sharon Ede (AUDAcities) pour nous aider à progresser sur ce front.

La description ci-dessus n'épuise pas nos intérêts. Par exemple, nous avons beaucoup débattu sur l'intersection entre les communs et l'économie des soins, et sur l'inégalité inhérente à un système dominant qui ne reconnaît pas les soins vitaux comme des contributions précieuses, et donc sur la façon d'imaginer des systèmes de solidarité et de bien-être qui peuvent couvrir les risques de toutes les contributions. Pour les trois prochaines années, je travaillerai avec SMart, la mutuelle coopérative et mutualiste de travail européenne à croissance rapide, qui a développé des solutions de travail pour les travailleurs autonomes précaires, en créant des salaires assortis de prestations sociales. Un axe d'investigation important pour moi sera d'examiner les systèmes de protection sociale de demain, c'est-à-dire ceux qui ne sont plus étroitement liés aux emplois salariés qui exigent la subordination par le biais des contrats de travail, mais qui construisent aussi des droits et des avantages autour des cotisations, ce qui inclut l'apprentissage tout au long de la vie, l'implication dans le soin, mais aussi les contributions aux activités à but non lucratif et aux communs. Est-ce que cela comprendra également une exigence universelle de revenu de base ? C'est l'une des possibilités que nous devons étudier....

Imaginez donc trois cercles représentant les trois grandes institutions sociétales, mais en dessous, les exigences écologiques et sociales dont nous avons tous besoin pour faire fonctionner un tel système. Je pense que nous avons une bonne maîtrise de la superstructure, mais il reste encore beaucoup de travail à faire sur ces exigences sous-jacentes...