Partenariat Public Commun

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Article de Frédéric Sultan sous licence CC BY SA publié sur le site politiquesdescommuns.cc

Introduction

La popularité des appels à la nationalisation des services publics – sur l’énergie ou l’eau par exemple – est révélatrice du rejet par beaucoup de la marchandisation des services essentiels. Pourtant, la simple propriété de l’État, par la nationalisation ou la municipalisation n’est pas une alternative satisfaisante du point de vue des communs. Les Partenariats Public Commun (PPC) offrent une autre conception institutionnelle qui nous permet de dépasser certaines des limites de l’approche binaire marché / État. Ils impliquent une copropriété entre les autorités publiques compétentes et une association, un groupe de commoners, ainsi qu’un gouvernement mixte auquel se joint une tiers partie spécifique, comme des syndicats et des experts du domaine concerné. Plutôt qu’une forme institutionnelle monoculturelle appliquée sans discernement pour gérer un service, les PPC se présentent comme un patchwork d’institutions qui se chevauchent et qui répondent aux particularités de l’actif concerné, à l’échelle à laquelle le PPC fonctionnera, et aux spécificités des individus et des communautés qui agiront ensemble en tant que commoners.

Description

Les PPC peuvent contribuer à relever le double défi des politiques publiques : le risque politique et le coût économique des projets. Toutefois, leur véritable force vient de la mise en place d'un circuit d'auto-gouvernement démocratique radical et en expansion des services publics. Le but de ce circuit est de contourner le besoin de financement privé et d'éviter les mécanismes par lesquels le capital financier exerce sa discipline et structure l'économie dans le champ de l'<a name="actionpublique" href="https://politiquesdescommuns.cc/glossaire#actionpublique" target="_blank">action publique</a>.

Les PPC fonctionnent aussi comme un espace de formation à la démocratie économique. Ils contribuent à favoriser une nouvelle compréhension, fondée sur le bon sens et l'expérience pratique, de la manière dont nous sommes en relation les uns avec les autres. Ils permettent de "reprendre le contrôle" des infrastructures et des ressources qui sont à la base de notre bien-être collectif – des marchés alimentaires aux bassins hydrologiques – tout en augmentant notre capacité collective à lutter pour les changements structurels plus vastes de notre société.

Cependant, pour que ces projets réussissent, il ne faut pas négliger le rôle que doivent jouer les mouvements sociaux, syndicats du logement, groupes écologistes, etc. pour aider à définir les problèmes à traiter, exercer une pression supplémentaire en vue de modifier les calculs de coût politique et constituer la masse critique decommoners capables de constituer des associations de commun indispensables à la création de PPC.

Contexte et problématiques

Le PPC est un élément central d'un projet politique des communs. La raison en est qu’il ne concerne pas seulement la redistribution immédiate de la richesse et du pouvoir, mais est aussi le levier d'une expansion de l'autonomie collective et la démarchandisation de la vie quotidienne. Ce qui est fondamentalement nouveau dans les PPC, ce n'est pas leur forme institutionnelle particulière, mais la façon dont ils se relient les uns aux autres dans le cadre d'un circuit plus large. En effet, les PPC étant essentiellement axés sur la capitalisation de l'autonomie collective - un processus visant à la fois à définir les services essentiels et à les placer sous une gestion démocratique commune - il est nécessaire, mais toujours insuffisant, de se concentrer sur les cas individuels.

Dépasser les limites du marché financiarisé dont le PPP est l’emblème

Le modèle financiarisé des marchés publics et de la prestation de services est en crise. La couverture idéologique des PPP est fournie par la théorie de la nouvelle gestion publique (<a name="newpublicmanagement" href="https://politiquesdescommuns.cc/glossaire#newpublicmanagement" target="_blank">New public management</a>), qui soutient que le secteur privé sera toujours plus efficace que le secteur public en raison de sa capacité à éviter la tendance des acteurs des bureaucraties (publiques) à bâtir des empires. Le marché des marchés publics et des PPP a rapidement formé un oligopole d'entreprises intermédiaires massives – Sodexo, Lyonnaise des Eaux – qui ont régulièrement fait l'objet de scandales. Ces entreprises se sont rapidement développées en soumissionnant pour des contrats à des prix inférieurs à ceux que d'autres entreprises pouvaient se permettre, assurant ainsi leur rentabilité non pas en fournissant un service « à meilleur prix », mais en se déchargeant de certains coûts sur d'autres. Les travailleurs précédemment employés par la collectivité locale ont été réembauchés avec des salaires réduits et des conditions dégradées[1]. Les utilisateurs des services et des infrastructures doivent continuellement se débattre avec des installations de mauvaise qualité, des coûts de fonctionnement disproportionnés et rencontrent des difficultés à faire effectuer l'entretien et les réparations. Les « gains d'efficacité » allégués n'apparaissent que parce que les coûts réels - tels que le sous-investissement chronique dans les infrastructures, l'effondrement des salaires, le travail précaire, etc, sont repoussés hors bilan et transmis à la société dans son ensemble.

Les décideurs concernés sous l'emprise idéologique de la théorie du New public management, procèdent à un calcul politique similaire. La logique des PPP a aussi été fortement soutenue par l’évolution des normes comptables nationales, qui, dans la pratique, ont servi une logique post-démocratique dans laquelle les décisions politiques ont été non seulement remplacées, mais aussi sapées, par des processus décisionnels basés sur la prise en compte du seul "résultat net".

De cette manière, la financiarisation de l'économie produit d'immenses concentrations de richesses pour une infime partie de la population. La simple interdiction des PPP, ou la recherche d'un renversement de la financiarisation des secteurs concernés serait bienvenue, mais certainement pas suffisante. Si nous voulons échapper à la financiarisation des secteurs publics, nous avons besoin d'institutions soutenues par des rationalités politiques nouvelles, dans lesquelles le « résultat net » n'est plus utilisé comme un moyen d'exclure des alternatives, et où la mesure des "bons résultats" ne doit pas nécessairement être codifiée sur un bilan. La rationalité dont nous avons besoin est celle dans laquelle les résultats sociaux ne sont pas seulement valorisés mais sont transformés en valeurs communes par un processus de délibération démocratique sur les éléments de la vie qui nous sont vraiment chers.

Les PPC ouvrent la voie d’une transformation profonde de l’économie

Le projet des communs propose une partie de la réponse à cette question. Avec Les PPC, s'ouvrent une voie et un processus de transformation des institutions vers une démocratisation de l’économie qui n’est pas réductible à une forme de gestion d’entreprise, de projet ou de service. La forme des communs est sensiblement différente de celle de la propriété publique caractéristique du projet progressiste du XXe siècle. D’une part les communs peuvent être présents à travers une multitude de formes alternatives de propriété et de gouvernement. D’autre part, dans leur forme idéale, il s'agit pour les commoners de posséder et de gérer les infrastructures économiques et sociales aussi directement et localement que possible. Cela implique généralement un degré important de participation, de transparence, de contrôle décentralisé et de responsabilité - des facteurs qui sont généralement absents lorsque l'État gère seul une ressource.

Cette voie doit être encore clarifiée. Il faut notamment souligner que bien que nous puissions inclure une partie du secteur des coopératives et des entreprises sociales et des associations dans le patrimoine des communs, la forme juridique de la « coopérative », des « sociétés d'intérêt collectif » et « associative » n'est pas automatiquement synonyme de commun. Si la forme juridique d'une société à responsabilité limitée (SARL) seule ne permet pas de donner un sens au « capital », nous ne pouvons pas lire celui du commun en nous contentant de considérer sa forme institutionnelle fut-elle celle d’une coopérative. Nous devons examiner comment la valeur est saisie et mise en circulation, et comment différentes formes institutionnelles en présence dans un milieu contribuent à différents créer des circuits de production et circulation des valeurs.

Il faut aussi considérer que, les coopératives et les biens communs, s’ils existent depuis longtemps, n’embrassent pas encore les dimensions mondiales du marché. Il y a des raisons matérielles à cela, la principale étant les difficultés que rencontrent les coopératives pour trouver des financements auprès du secteur privé. C'est ce problème que les PPC s'efforcent de résoudre en déclenchant une dynamique de définancialisation, c'est-à-dire en réduisant « l’impact des critères financiers, des marchés financiers, des acteurs financiers et des institutions financières dans le fonctionnement des économies nationales et internationales »[2]. Tout comme les institutions financières privées ont joué un rôle de pointe dans un effort visant à transformer les rationalités qui sous-tendent ce qui constitue une décision "raisonnable", nous entendons que les PPC fonctionnent comme la pointe d'un projet plus vaste visant à socialiser et à communaliser la manière dont nous traitons les décisions économiques. L'objectif est de produire un circuit auto-reproductif (génératif dirait Michel Bauwens) des communs, qui contournera le besoin de financement privé, évitera les mécanismes par lesquels le capital financier exerce sa discipline et structure l'économie, et aidera à promouvoir un nouveau bon sens qui changera la façon dont nous nous relions les uns aux autres et les ressources et infrastructures sur lesquelles nous comptons.

Enjeux et propositions

Les ingrédients communs des PPC

Les PPC sont moins une forme institutionnelle fixe, qu’une série de principes et de processus qui doivent être conçus et mis en œuvre en grande partie au cas par cas. Leur application n'est pas limitée à une ressource ou un actif particulier, bien que certains domaines soient plus urgents que d'autres comme la production d'énergie municipale ou le secteur des services numériques et des données, ou plus faciles à mettre en œuvre, comme l’habitat ou le traitement de l’eau. Dans la pratique, il est probable que certaines "recettes de base" apparaîtront à mesure que l'expérience se acquise dans l'élaboration des PPC. Mais une mise en œuvre réussie nécessitera invariablement un mélange d'expertise technique, d'expérience vécue et de connaissances du lieu. Plutôt qu'une forme institutionnelle monoculturelle appliquée sans discernement et sans lien avec les besoins et les désirs de différents contextes, les PPC devraient émerger comme un patchwork d'institutions qui se chevauchent et qui répondent aux particularités de l'actif et à l'échelle à laquelle le PPC fonctionnera, et des individus et des communautés qui agiront ensemble comme des commoners[3]. La conception même des PPC doit donc être démocratique et prendre en compte, dès le départ, les processus institutionnels les plus efficaces, les plus réactifs et les plus équitables pour nous permettre d'agir en commun.

Malgré leur hétérogénéité, il existe une poignée d'ingrédients communs qui définissent les PPC comme des mécanismes institutionnels orientés vers la capitalisation de l'autonomie collective

Modèles de propriété et de gouvernement commun

Les PCP sont des modèles de propriété et de gouvernement commun (société mixte), dans lesquels les deux principaux partis sont un agent de l'État (tel qu'un conseil municipal) et une association commune (telle qu'une coopérative mixte ou une société d'intérêt communautaire). Dans le premier cas, l'association commune siège au conseil d'administration de l'entreprise commune aux côtés de représentants des autorités locales et d'autres organisations concernées par le fonctionnement de la PCP (qui peuvent être des syndicats, l'agence pour l'environnement, des groupes de consommateurs, des experts indépendants, etc.) Bien que de nombreux exemples montrent des approches mixtes de la direction des services publics - comme le conseil d'administration d'Eau de Paris (la compagnie des eaux parisienne qui a été ramenée sous contrôle public en 2010), la SEMAPA (la compagnie des eaux de Cochabamban qui a été démocratisée à la suite des "guerres de l'eau" en Bolivie en 2000) ou le district municipal de Sacramento (la sixième plus grande compagnie d'énergie communautaire aux États-Unis) – il existe relativement peu de cas où une association commune est une caractéristique essentielle de l’entreprise commune.

La structure de l'entreprise commune résulte de trois forums démocratiques distincts :

  • L'appareil d'État, où l'acte démocratique est principalement une politique électorale représentative ;
  • La gouvernance de l'entreprise commune (composée de représentants de l'autorité locale, de l'association commune et des parties appropriées à l'entreprise commune) ;
  • L'association commune elle-même, avec ses propres membres et des mécanismes indépendants de participation et de prise de décision.

La structure démocratique et la composition de l'association commune dépendent de la nature de l'entreprise commune et de son histoire. Dans certains cas, les structures d'adhésion relativement simples à reproduire à partir des modèles des coopératives de consommateurs ou des SCIC par exemple. Toutefois, une fiducie foncière communautaire, un service d'aide sociale ou un marché local nécessitent un examen attentif de l'échelle, de la forme juridique et des critères d'adhésion les plus appropriés pour un PPC.

Contrôle démocratique sur la répartition de la plus-value

L’une des caractéristiques de tous les PPC est le contrôle démocratique substantiel de la répartition de la plus-value produite par l'entreprise commune. Cette caractéristique est essentielle à la capitalisation de l'autonomie collective et à la réduction de la financiarisation plus large de l'État.

Si dans un premier temps, l’excédent est conservé par la société mixte pour être réinvestie dans ses objectifs opérationnels (tels que la fourniture d'une énergie sans carbone à la ville, l’achat ou la réparation des bâtiments d'un marché, etc.), et est donc sous le contrôle collectif du conseil d'administration (qui comprendra divers représentants des travailleurs, des experts techniques, etc), il est toutefois essentiel qu'une partie importante de la plus-value soit transférée directement à l'Association commune qui, par ses propres structures démocratiques, est responsable de sa redistribution.

Les restrictions et les lignes directrices relatives à l'utilisation de cet excédent par l'association commune sont des plus importantes - et essentielles à la définition d'un PPC. Le principal usage de l’excédent géré par l'association commune devra être de capitaliser d'autres PPC sans attente de rendement financier, et effectué de manière indépendante ou en collaboration avec d'autres PPC. Ainsi il s'agit d'un transfert de richesse destiné à soutenir le développement d'autres PPC et d'une économie des communs à travers un circuit auto-reproductif. Pour chaque nouveau PPC soutenu par un tel processus, la capacité nette du circuit augmente, ce qui accélère la capitalisation de nouveaux PPC. Non seulement la richesse est transférée d'une initiative à l'autre, mais la richesse est transformée de la "plus-value" produite par un PPC en valeur d'usage commune. L'effet net de cette transformation est de créer un effet de démarchandisation et de démocratisation collective en constante expansion, c'est à dire une capitalisation de l'autonomie collective, objectif sous-jacent de ce circuit de PPC.

Capitalisation conjointe État / Commun

En pratique, les PPC s'attaquent à deux des principaux risques auxquels est confrontée la puissance publique : le risque politique et le coût. L'opportunité d'une capitalisation commune, surtout lorsqu'elle provient d'autres PPC, peut permettre de surmonter les obstacles financiers (tels que la mise en place de l'infrastructure de l'opérateur d'énergie, l'achat collectif d'un bâtiment, la subvention initiale d'une coopérative de taxis, l'achat de terrains pour une fiducie foncière communautaire, etc). De plus, dans les cas où les actifs sont déjà détenus par l'État, la capitalisation conjointe des actifs peut ne pas être nécessaire si l’État les mets à disposition au travers de mécanismes adaptés (baux, fiducière, convention, ...etc).

Qu'il y ait eu ou non une capitalisation commune, les entreprises communes permettent également de résoudre dans une certaine mesure les problèmes de risque politique. Alors que les élus et les responsables publics peuvent être réticents à prendre des risques par crainte de perdre leur capital politique – et, en fin de compte, leur fonction – les entreprises communes abordent ce problème en recadrant les initiatives sous forme de collaborations et d'expériences partagées à développer.

Expériences / Cas d’usage

Coopérative - BEG Wolfhagen

Dans la ville allemande de Wolfhagen une entreprise commune d'énergie a été créée par l'association de 264 citoyens et l'autorité locale sous la forme d'une coopérative – BEG Wolfhagen. Après un temps initial de limitation de l'adhésion aux fondateurs de la coopérative, l’initiative s’est ouverte à tout citoyen de Wolfhagen qui achète son énergie à la société (ce qui en fait, dans un premier temps, une coopérative de consommateurs).

Cette initiative est l'un des rares exemples où une association commune siège au conseil d'administration du PPC.

Les 264 citoyens qui ont créé BEG Wolfhagen ont lancé une offre de parts de coopérative (d'une valeur de 500 euros chacune, avec un maximum de 5 par membre). Celle-ci a permis de réunir 1,47 million d'euros sur les 2,3 millions d'euros nécessaires pour obtenir une participation de 25 % dans la société énergétique locale. Étant donné l'écart entre la valeur du capital de la coopérative et l'évaluation de la participation de 25 %, la ville a accordé à la coopérative la possibilité de capitaliser progressivement sa participation par le biais d'un prêt. Cette nouvelle période de capitalisation a duré environ 12 mois, la coopérative couvrant entièrement sa part de 2,3 millions d'euros au printemps 2013. Fin 2016, la BEG Wolfhagen comptait 814 membres, soit près de 7 % de la population de Wolfhagen, avec un patrimoine coopératif de plus de 3,9 millions d'euros. Désormais, tout nouveau membre de la coopérative dispose d'un délai de deux ans pour payer sa part initiale en 20 versements, ce qui permet d'élargir l'accès à la coopérative aux ménages à faibles revenus.

Redistribution

Le partenariat énergétique de Wolfhagen fournit une inspiration limitée à cet égard, où les actionnaires de la coopérative reçoivent un dividende annuel (qui était d'environ 4 % en 2016), tandis que les fonds restants sont versés au fonds d'économie d'énergie de la coopérative. Supervisé par le conseil consultatif sur l'énergie des coopératives (composé de neuf membres de la coopérative ainsi que d'un membre de l'agence locale de l'énergie, du Stadtwerk et de la municipalité), le fonds est ensuite redistribué pour soutenir des stratégies et des initiatives visant à accroître l'efficacité énergétique parmi ses membres. Dans la pratique, ce fonds a été utilisé pour des objectifs assez modestes axés sur le consommateur, tels que l’octroi de subventions pour l'achat de vélos électriques et de thermostats de radiateur programmables..

Conditions de mise en œuvre

Exploiter les tensions productives

L'architecture des incitations au sein des PPC produit de nombreuses tensions potentielles ; le rôle de la structure de gouvernement commune est de veiller à ce que ces tensions restent productives.

Négociation des intérêts

’un des points de tension le plus évident se situe entre les intérêts et les besoins de ceux qui font partie d'une association commune et ceux qui n'en font pas partie. Protégés de la discipline prédatrice imposée par le capital financier, ceux qui font l'effort de mise en commun pourraient être tentés de donner la priorité à l'amélioration de leur propre vie. Cela peut se traduire par une transformation des conditions de travail, voire travailler moins et se consacrer à la création de conditions favorables à la prise de décision délibérative. Ce phénomène, loin dêtre un défaut du P est une des caractéristiques des PPC. Les communs permettent ainsi de rompre avec la hiérarchie qui place nos propres besoins et désirs derrière l'auto-expansion du capital.

Les PPC, les mouvements sociaux et la lutte sociale

Une démocratisation aussi radicale de la propriété aura un impact profond sur la forme et la fonction des mouvements sociaux. La conception institutionnelle des PPC transforme la figure de l'utilisateur consommateurs en commoner. On aperçoit ces transformations en marche dans le domaine de l'énergie avec les nouvelles formes d'achat groupés ou bien certaines expériences coopératives.

Ainsi, tout comme les réformes institutionnelles néolibérales ont cherché en leur temps à intégrer une logique de maximisation des profits dans la nature même de l'être humain, celles pour les communs devraient servir de terrain d’exercice et d’apprentissage de la démocratie, et d’un sens commun de la façon dont nous vivons collectivement les uns avec les autres. La participation aux PPC a pour effet de former à l'analyse politique et à la planification stratégique à grande échelle a, en permettant à une partie toujours plus large de la population de s'engager dans un débat sur la stratégie politique. Ces effets sont les externalités positives qui découlent du fonctionnement des PPC. Par leur simple existence, ils contribuent à établir les conditions préalables à une démocratisation et à une transformation radicales de l'État.

Un cadre stratégique pour créer des partenariats publics-commun

Comme les PPP qui ont disposé d'un cadre politique et financier, fermement engagés dans la financiarisation du secteur public, les PPC ont aussi besoin de prendre appui sur un cadre institutionnel et une organisation ou une stratégie des mouvements sociaux.

Un cadre politique institutionnel

Les PPC peuvent être de résultat de l’initiative des autorités municipales désireuses d'agir en tant qu'institutions travaillant en partenariat avec la société civile. Dans ce sens, les PPC sont un mécanisme qui permet de mettre en œuvre les nouvelles pratiques municipalistes. Ils peuvent s'appuyer sur l'excellent travail réalisé par le mouvement de l’économie communautaire tel que au Royaume-Uni le Centre for Local Economic Strategies (CLES) et le conseil municipal de Preston ou en Australie par le groupe de recherche sur l’économie communautaire Community Economies Collective autour de Katherine Gibson.

Ces travaux peuvent nourrir l’établissement d’un Bureau des PPC chargé de soutenir leur émergence à travers le déploiement de réformes institutionnelles qui dégagent progressivement la puissance publique de la perspective néolibérale. Celui-ci pourrait être guidé par une logique de création des communs lorsque les conditions le permettent. Lorsque cela n'est pas possible, son rôle sera alors de faciliter l'émergence de mécanismes démocratiques qui permettront de créer les conditions d'un partage ultérieur. De cette façon, les communs serviront d'institutions d'ancrage pour l'expansion de la démocratie.

Un cadre stratégique des mouvements sociaux

Des mouvements sociaux actifs et motivés sont nécessaires pour le développement de PPC. Leur rôle est double. D’une part, ils sont des catalyseurs pour la formation des associations de communs (comme ce fut le cas à Wolfhagen), en fournissant le « sang neuf » initial de tout projet. Les syndicats de locataires par exemple pourraient jouer le rôle de « masses critiques » permettant de construire des associations communes autour des logements collectifs autogérés. Cette logique peut se déployer dans bien des domaines. Elle a aussi le mérite en retour de renforcer structurellement ces organisations. D’autre part, le mouvement social peut mobiliser son expérience dans l’usage des tactiques d’engagement et de lutte sociales. Celles-ci se sont avérées être le principal moyen de créer, de tester et de faire respecter les valeurs des communs. Elles l'ont fait en augmentant le coût politique de leur ignorance. En plus d'imposer la transparence sur des décisions politiques et commerciales, les mouvements sociaux et les syndicats peuvent augmenter le risque politique du « business as usual » en exerçant les différentes formes de mobilisation développées au cours des deux cents dernières années.

Ressources

Cette fiche est très largement inspirée du rapport Public-Common Partnerships: Building New Circuits of Collective Ownership, par Keir Milburn (University of Leicester) et Bertie T Russell (University of Sheffield) publié le 29 juin 2019

Références

  1. Les travailleurs de Rochdale, par exemple, ont constaté qu'après avoir été réemployés par un entrepreneur privé, ils avaient perdu jusqu'à 40 % de leur salaire et de leurs allocations en faisant le même travail. The Smith Institute, *[Outsourcing the cuts : pay and employment effects of contracting](https://smithinstitutethinktank.files.wordpress.com/2014/09/outsourcing-the-cuts-pay-and-employment-effects-of-contracting-out.pdf)*, Londres : The Smith Institute, septembre 2014.
  2. Mathew Lawrence, *[Definancialisation : A democratic reformation of finance](https://www.ippr.org/files/publications/pdf/definancialisation_Sep2014.pdf)* Londres, IPPR, 3 septembre 2014.
  3. Cela s'inscrit dans la logique de ce que la prix Nobel Elinor Ostrom a appelé la "gouvernance polycentrique". Voir Ostrom, E. (2010) "Beyond Markets and States : Gouvernance polycentrique des systèmes économiques complexes". The American Economic Review 100(3) : 641-672.