Premier rapport d'administration partagée

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Texte de Gregorio Arena traduit de l'italien à propos du rapport de Labsus - Rome, décembre 2015

Ceci est le premier rapport annuel de Labsus. Mais c’est aussi le compte-rendu, détaillé et approfondi, d’une histoire difficile à croire quand on la raconte, parce que l’Italie dont on parle dans ces pages on ne lavait pas, elle ne fait pas les gros titres. Et pourtant elle existe, elle grandit et prend conscience d’elle-même et est destinée à assumer un rôle central dans le débat publique et dans la vie du pays dans les prochaines années. L’histoire dont on parle dans ce rapport a des origines lointaines car déjà en 1997, dans un essai intitulé Introduction à l’administration partagée, nous avions hypothétisé le fait que notre administration publique était en train d’évoluer vers un modèle organisationnel fondé sur la collaboration, plutôt que sur le conflit, entre citoyen et administration. En 2001 le modèle de l’administration partagée, de quelques pures hypothèses théoriques devint une disposition constitutionnelle grâce à l’introduction dans le nouveau Titre V de la Constitution (italienne) du principe de subsidiarité selon cette formulation: « État, régions, provinces, ville métropoles e communes favorisent l’initiative autonome des citoyens, individuel ou associés, pour le déroulement d’activités d’intérêt général sur la base du principe de subsidiarité » (art. 118, dernier alinéa). Il s’agit d’une formulation qui ne légitime d’aucune manière le retrait des pouvoir publiques devant une initiative d’intérêt général de la part de particuliers, mais au contraire prévoit che de telle initiatives donnent vie à une alliance en les administration et les citoyens. L’administration partagée, précisément.


Parfois la Constitution ne suffit pas

Pour promouvoir cette nouvelle idée de citoyenneté active, responsable et solidaire en 2005 fut fondé Labsus, le laboratoire pour la subsidiarité. Cependant après quelques années nous nous somme rendu compte qu’il ne suffisait pas que la Constitution reconnaisse que lorsque les citoyens s’activent ils ne sont plus seulement administrés selon les catégories du droit administratif, mais bien des sujets responsables et solidaires qui en totale autonomie collaborent avec l’administration dans la recherche de l’intérêt général, ou en d’autres termes dans la gestion des biens communs. Ça ne suffit pas parce que les lois et les règlements continuent à considérer les citoyens comme des administrés et non comme des alliés. Si bien que quand les citoyens veulent prendre encrage la gestion d’un bien sur leur territoire, les administrateurs souvent ne le leur consentent pas, craignant d’avoir à assumer des responsabilités diverses. Malgré cela Labsus a recueilli en dix ans une banque de données de plus de 500 cas de citoyens qui se sont investis dans la gestion de biens communs matériels et immatériels de leur territoire.


Le règlement pour l’administration partagée

Voilà la raison pour laquelle, avec la collaboration convaincue de la mairie de Bologne, nous avons traduit le dernier alinéa de l’article 118 de la Constitution (italienne) en un règlement communal de 36 articles. Il a été mis a disposition de toutes les communes italiennes le 22 février 2014 dans un meeting bondé à Bologne, puis sur le site Labsus duquel il a été téléchargé par près de quatre-mille personnes (le texte est en addendum dans la version numérique du rapport). Aujourd’hui le règlement a été adopté, à l’unanimité à l’exception de quelques abstentions, par les conseils de 65 mairies et 82 autres sont en phase de le devenir. Parmi ceux-ci se trouvait également Rome, dont le conseil a nominé en avril 2015 un groupe de travail composé de fonctionnaires de différents départements et dont faisait aussi partie (sans contrepartie financière pour l’administration) un expert externe, le président de Labsus. Le groupe a travaillé intensément jusqu’aux premiers jours d’octobre 2015, élaborant une ébauche de règlement qui sous divers aspects tient compte des améliorations apportés par d’autres communes au texte de base de Bologne, en plus des premières expériences applications ces derniers mois. L’ébauche de règlement avait à peine été transmise aux assesseurs compétent quand le conseil du maire de Rome de l’époque, Ignazio Marino, est tombé. Dans l’attente qu’une nouvelle administration capitoline ne décide de remettre en marche le processus pour adopter le règlement, nous retenons de rigueur de ne pas gâcher le précieux travail jusque ici achevé en mettant à disposition de n’importe qui voudrait profiter de cette ébauche que nous transmettons en annexe dans la version en ligne du rapport.


Pourquoi un règlement et pas une loi

Un autre choix crucial a été celui de prévoir que « la collaboration entre citoyens et administration se manifeste par l’adoption d’actes administratifs ne faisant pas autorité » (art.1, alinéa 3 du règlement) dits « pactes de collaborations ». Ils sont organisés de manière détaillée par l’article 5 et sont « l’instrument avec lequel comune et citoyens actifs concordent tout le nécéssaire à la réalisation des interventions de gestions et restauration des biens publiques ou communs ». Dans leur essence les pactes de collaboration sont la jonction technico-juridique sur laquelle se fonde cette alliance entre citoyens et administration qui donne vie à l’administration partagée. Non pas pour subvenir, avec l’intervention de citoyens, à des déficiences des administrations mais au contraire pour affronter mieux et ensemble la complexité des défis que le monde actuel importe à tous, administration publique et citoyens.


Il n’y a plus d’alibi

Comme il a été dit précédemment, souvent ces dernières année les administrateurs locaux se sont opposé à l’implication des citoyens dans la gestion des biens publiques urbain car, manquant de dispositions législatives ou réglementaires, ils craignaient la charge de responsabilités dérivantes de l’exécution du principe constitutionnel de subsidiarité. Grâce au règlement ce vide normatif est éliminé tout comme l’alibi pour tous ceux qui préfèrent que les citoyens ne soient pas ni actifs ni responsables mais continuent à être de simple administrés. Par dessus-tout il n’y a plus l’obstacle qui, empêchant les citoyens d’assumer eux-même la responsabilité de la gestion des biens communs urbains, ne consentait pas de libérer, pour l’intérêt général, les infinies énergies présentes dans nos communautés locales.


« Un peuple qui se sent communauté »

Puisque finalement le règlement n’est que le moyen pour arriver à un objectif beaucoup plus important, celui déterminé par le Président de la République (italienne) Sergio Mattarella dans son discours d’arrivée aux Chambres le 3 février 2015, quand il déclara que « parler d’unité nationale signifie redonner au pays un horizon d’espoir » mais « pour que cet espoir ne demeure pas une évocation abstraite, il faut reconstruire ces liens qui tiennent unie la société ». Mais comment reconstruire ces « liens qui unissent la société » ? Comment faire en sorte qu’un « peuple se sente vraiment communauté », pour citer les mots conclusifs du discours du Président ? Il y a de nombreuses façons naturellement, mais nous en proposons une qui évidemment répond à un besoin profond de nos concitoyens en cette phase historique, car partout où nous allons le retour est une confirmation enthousiaste d’un autre passage du discours du Président quand il dit que « il existe dans notre pays (l’Italie) des énergies qui attendent seulement de trouver un moyen de s’exprimer pleinement ».


Reconstruire le Pays

Nous proposons en effet de donner vie dans toutes les villes italiennes et de toutes les tailles à des communautés partageant des activités de gestions de biens publiques, matériels ou immatériels, présent sur le territoire et sur la base du principe de subsidiarité. Il s’agirait de reconstruire le pays comme dans l’après-guerre, cette fois sans investire sur la production et la consommation de bien privé comme dans les années du boom économique, mais en misant sur l’entretien et le développement de biens publiques matériel et immatériels. Cette reconstruction est déjà en oeuvre, des milliers de citoyens actifs gèrent aujourd'hui l’entretien et la restauration de biens publiques sur leur territoire mais sans a conscience que leurs actions individuelles, souvent des initiatives humbles et isolées, pourraient faire partie d’un mouvement plus ample de reconstruction matérielle et morale. Reconstruction matérielle en cela que les activités de gestion de bien publiques effectuées par des citoyens actifs contribuent de manière significative à l’amélioration de la qualité de vie de tous les membres d’une communauté. Mais il y a également une dimension morale, car dans un pays gouverné par des oligarchies fréquemment incompétentes et corrompues, le fait que de simples citoyens entreprennent de prendre soin des biens de tous avec la même attention que celle qu’ils réservent aux leurs démontre comment, dans la société civile, il existe encore un sens des responsabilités, d’appartenance, de solidarité et d’initiative.


Donner confiance

Ce n’est pas un hasard si commune (d’où communauté) vient du latin cum + munus, qui signifie effectuer un devoir ensemble. Parce que la communauté se construit précisément en exécutant ensemble un devoir partagé, on « fait communauté » en travaillant ensemble à un objectif que l’on s’est fixé de manière autonome. En ce sens, quand des citoyens assument la gestion et prennent soin des espaces de leur quartier, ce qui se voit ce soit des personnes font la manutention d’une place, d’un jardin, d’une école, etc. Mais en réalité ces gens font quelque chose de plus haut que ça, soit le renforcement des liens qui maintiennent unie leur communauté et la production de capital social. Leur comportement communique qu’il est possible d’avoir confiance dans son prochain.


Un autre regard sur les personnes

Ce rapport démontre que les resources pour entretenir et développer les biens communs de notre pays sont bien présentes. Mais elles continuent à être ignorées car pour le faire émerger il est nécéssaire de considérer les personnes comme portatives non seulement de besoins, mais aussi et surtout de capacités. Se nous acceptons cette « anthropologie positive » et que nous promouvons la construction de communauté associées autour d’activités de gestions des biens communs nous pouvons affronter la crise en valorisant, dans l’intérêt général, les intarissables ressources d’intelligence, créativité et capacité de travail dont nous sommes dotés, libérant des énergies qui, comme l’a observé le Président de la République lui-même, sont là, prête à entrer en jeu. Nos forces mais aussi celles de ceux qui formellement no sont pas citoyens italiens, c’est à dire les étrangers qui vivent et travaillent dans notre pays et qui, en entretenant « nos » biens publiques se sentiraient sûrement citoyens, de le substantiel du terme. De plus il nous incombe de reconnaitre et valoriser les capacités du quasi million d’enfants (pour l’Italie) nés ici de parents étrangers ou arrivés ici très jeunes, que nous devront intégrer dans notre société.


Défendre la démocratie et le bien-être

Créer une communauté grâce à l’entretien collectif des biens communs est la meilleur façon d’être citoyens et indispensable que ce soit pour défendre la démocratie ou pour note bien-être matériel. En effet, la crise, en appauvrissant de large franges de la population et en créant des incertitudes quant au futur, alimente un mépris des institutions et des règles de la démocratie représentative, qui n’est plus considérée comme capable de donner réponse aux besoins et aux peurs de la société. À ces dégâts infligés au tissu démocratique par la crise s’ajoutent désormais des attaques envers notre harmonie civile et à nos valeurs de a part de criminels idéologiques, qui cherchent à insinuer entre nous la peur, la suspicion et la méfiance. Il est donc aujourd’hui d’autant plus crucial de revitaliser le sens d’appartenance à la communauté au travers d’expériences concrètes de participation à la vie publique, come l’entretien collecte de bien communs. Dans le même temps cela permets de contraster avec la paupérisation due à la décroissante disponibilité de biens privés, en maintenant une bonne qualité de vie et garantissant le respect des droits de citoyenneté de nos concitoyens dans les pires conditions économiques et sociales. Si la crise réduit la richesse privée il convient d’investire sur la production, l’entretien et la régénération des biens communs, ne serait-ce que pour produire ce capital social qui constitue un facteur essentiel de développement, également économique.


Un changement culturel profond

Le règlement pour l’administration partagée est une petite chose comparé aux problèmes du pays. Mais ces petits avancements peuvent faire la différence une fois alignés sur les grands changements et la façon de penser de tant de personnes. Et le règlement, nous nous en somme rendu compte en voyageant à travers le pays ces derniers mois, est évidemment en harmonie avec un changement culturel profond, qui pour le moment concerne une minorité de citoyens mais qui pourrait rapidement se transformer en phénomène de plus grande ampleur, libérant ainsi les infinies et précieuses énergies invisibles dans nos communautés. Un autre instrument fondamental pour la diffusion de l’administration partagée sera, dans les prochaines années, L’école Italienne pour les Bien Communs (SIBEC) que Labsus a fondé en partenariat avec l’université de Trento e Eurisce. Son but est de former deux nouvelles typologies de professionnels. D’un côté des fonctionnaires communaux capables d’interagir avec les citoyens actifs en en facilitant les initiatives autonomes pour l’entretien de biens communs. De l’autre, des personnes aptes à gérer la récupération puis la gestion de manière économiquement durable, de biens publiques abandonnés dont une communauté se prend la responsabilité en les reconnaissants comme biens communs.


Souverains et responsables , pas suppléants

En somme l’histoire racontée dans ce rapport semble démontrer que beaucoup de citoyens ont compris que, comme Labsus et nous disons: « le temps de la délégation est terminé » et ont donc décidé de manière complètement autonome de prendre la responsabilité de la gestion des biens communs matériels et immatériels des lieux dans lesquels ils vivent. Car l’autre aspect fondamental de ce grand changement culturel réside précisément dans le fait de la mobilisation autonome de personnes qui ne se sentent ni se comportent comme des suppléants qui remédient à des inefficacités de l’administration publique, mais biens comme des citoyens qui se ré-approprient ce qui leur appartient. Pour cette raison ils le font avec enthousiasme et allégresse, profitant de l’occasion pour passer du temps entre amis et/ou voisins, avec ce goût particulier pour la convivialité qui les caractérise. Et tout cela non seulement contribue fondamentalement à la renaissance de notre pays, mais est beau en soi.