Interview Daniela Ciaffi, vice-présidente de Labsus

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Interview Daniela Ciaffi, vice-présidente de Labsus

Par Nicole Alix et Yvon Rastetter


1 - Présentation de la structure et du projet

Labsus est né comme revue scientifique en 2005. 4 ans après a été adopté l’article 118 de la Constitution italienne, consacrant le concept de subsidiarité. De 2005 à 2014, Labsus a été une plateforme au niveau national et le « succès » est arrivé en 2014, lorsque Labsus écrit le Règlement pour l’administration partagée à Bologne, adopté désormais par 153 villes en Italie. En tant que Plateforme, Labsus continue de fonctionner comme un réseau, rassemblant des fonctionnaires des collectivités locales, des gens de l’ESS, des juristes, et qui est reconnu par la « société (civile) responsable ». Le règlement pour l’administration partagée met ensemble le secteur public, privé, les citoyens et le tiers secteur, qui, en quelque sorte, « se responsabilisent ».

La ville adopte son "Règlement pour l’administration partagée", qui donne alors lieu (permet de signer facilement) à autant de pactes qu’il y a de projets proposés par les habitants. Le Pacte est écrit, il est source de droit, peut être déféré au tribunal ; il se réfère au règlement. 

Labsus  n’est pas partie prenante aux Pactes, il aide en amont à les préparer.

Le budget de Labsus :

En 2015 a été lancé le premier grand projet avec le soutien de la Fondation Cariplo pour 150 000 € pour deux ans, tourné vers les villes moyennes. En 2017, la Compagnie di San Paolo de Turin apporte 63 000  € pour 10 mois de projet.  Le renouvellement est en cours. La mise en œuvre projets dans le cadre des Pactes met en scène des centaines de personnes. Ceci paye les activités, les formations, les facilitations, un peu le laboratoire pour imaginer, mais beaucoup du travail de conception est bénévole. Notamment celui des 7 membres du Comité directeur.  Labsus commence à salarier ou à employer des experts (consultants qui cherchent une vitrine ?).

Labsus favorise des croisements vertueux. 

Comment se fait la capitalisation des enseignements, se nouent les alliances ? Une Assemblée pour s’associer à Labsus aura lieu pour la première fois cette année. Il ne suffit pas d’être associé en s’inscrivant dans la perpective de Labsus, il faut s’associer.  L’idée est aussi de formaliser les réseaux territoriaux (Palerme, Toscane, Piémont - 10 personnes dans le groupe de Turin-, Pouilles). 

Le concept de communs dans Labsus

Labsus est perçu comme un commun, en tant qu’il met à disposition beaucoup d’expériences, d’outils, ... pour les mairies, qu’elles peuvent utiliser.  À la question de Yvon sur le fait que Labsus assurerait des tâches que les collectivités locales n’assurent plus, Daniela répond qu’il ne s’agit pas de comparer un avant et un après toutes choses égales par ailleurs. Les pactes sont sources de création et d’innovations, pas de mise en place de la Big Society. Cette question est récurrente… Un métier nouveau émerge, celui « d’expert des pactes », tiers de confiance et indépendant. Labsus certifiera-t-il les compétences ?

2 - La démocratie dans le commun :

Au niveau de Labsus 

Le succès de Labsus est dû à Gregorio Arena, dont la théorie remonte à 1997. Labsus correspond à Gregorio, qui a été très au centre.  Passer à une vraie démocratie est un processus. Labsus a revu ses statuts, dernièrement. Gregorio est président du ÇA, il en deviendra le président honoraire. Il restera l'âme de Labsus. Daniela est vice présidente.

Au niveau des pactes :

Les gens participent aux pactes dans une démarche de P2P. Il n'y a pas de budget, ils se retrouvent pour savoir quoi faire pour résoudre le problème identifié. 

Le Pacte constitue une nouvelle source de droit : j’ai le droit de m’associer avec d’autres et, du coup, l’acteur public a l'obligation d'être là. Il y a un « pouvoir de convocation » de la puissance publique. A Cortona, tous les 15 jours, réunion ouverte à tous les gens qui participent au pacte. Labsus est parfois accusé de promouvoir le principe de subsidiarité qui remplacerait l’Etat, mais c’est à tort : par exemple, dans les Pouilles, pour permettre aux femmes qui ramassent des tomates de travailler, le Pacte a prévu l’ouverture de la crèche à partir de 4 heures du matin.

Il y a deux types de règlements pour administration partagée 

  • sans entreprise sociale, comme à Turin
  • avec des entreprises sociales comme à Archireale. 

Les pactes ne sont pas des délégations de service public. 

Progrès/innovation 

On peut être en conflit avec tous ceux qui proposent de l’innovation gratuite. Créer une Haute École nationale des biens communs, formation de formateurs ?

3 - Liens avec les pouvoirs publics 

Labsus et les pactes sont très reconnus quels que soient les partis politiques, ils sont très demandés aussi bien par des municipalités de droite (Novaro), de centre gauche (Milan), 5 Étoiles (Turin). Très bonne réputation.  Ont signé un protocole avec l’Association nationale de lutte contre la corruption, qui est un géant en Italie. Une possible régression de la mafia ?

Il y a différents degrés de participation avec Labsus. 

Par exemple, la ville de Turin a gagné un projet européen Co City de 4 millions d’€ sur le thème  de l’administration partagée, en lien avec le réseau Urban Innovation Action (avec notamment Barcelone) sur la lutte contre la pauvreté. La ville a ouvert un appel d’offres pour des experts sur la question de la durabilité des pactes au plan économique. Euricse et Labsus ont répondu, leur proposition a été jugée intéressante au plan technique, mais la ville a retenu une offre moins chère.  Bologne a adopté un principe d’acceptation tacite : à défaut d’opposition de la part de la mairie dans les deux semaines qui suivent la demande, le Pacte est réputé accepté. 7 personnes s’en occupent à la mairie.

Qui signe le Pacte ?

  • L’administration, une ou plusieurs personnes de la mairie 
  • le cas échéant des associations 
  • des personnes nommément désignées (contrainte), qui sont alors parties prenantes du pacte.  

Un pacte diffère d’un contrat dans la mesure où celui-ci est du seul ressort de la mairie. Dans le cas du pacte, l’usage du bien n’est plus de la seule prérogative de la ville. Celle-ci ne peut pas décider de mettre fin au pacte. Les gens participent.

4 - Le rapport avec la démocratie participative :

Les gens sont très réactifs, créatifs, ils ont envie d’entrer dans d’autres types de rapports. Les pactes donnent de plus en plus souvent naissance à des «  start up » qui meurent au bout d’un an. Il est important de ne pas être rigide.  Les gens s’engagent pendant un an, 3 ans. Le Pacte est toujours ouvert. Ils peuvent aussi se retirer. 

Mixité 

Labsus n'a pas d’info sur l’analyse sociologique des participants aux pactes. Il n’y en a pas tant que cela qui viennent d’associations. Il y a des pactes avec des sans abris, des supporteurs de foot..  Ils viennent sans doute de milieux homogènes. Il faudrait pousser les pactes pour la mixité sociale.

Démocratie contributive :

Se reconnaît dans l’expression de « démocratie contributive", cf sa tribune dans la Fonda. Mais "contributif" en Italie renvoie aux impôts… expression à proscrire… Condivisione, sharing = partage, renvoie à une dimension très catholique en Italie !

- Les syndicats ?

Ils sont en dehors de tout.