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'''Paradoxes de l’autonomie :''' | '''Paradoxes de l’autonomie :''' | ||
* peut être subie et non voulue (vécu comme souffrance au travail) : dispositifs d’accompagnement des individus | * peut être subie et non voulue (vécu comme souffrance au travail) : dispositifs d’accompagnement des individus | ||
* <div style="margin: 1em auto 1em auto; background: #F7CDEA; padding: 5px; width: auto; border: 0px solid #FFF;">peut receler des dispositifs d’incitation à certains comportements, tels que des dispositifs d’enrôlement : prolétarisation, destruction des savoirs (théoriques, -faire, -être) | * <div style="margin: 1em auto 1em auto; background: #F7CDEA; padding: 5px; width: auto; border: 0px solid #FFF;">peut receler des dispositifs d’incitation à certains comportements, tels que des dispositifs d’enrôlement : prolétarisation, destruction des savoirs (théoriques, -faire, -être) ''(Cf. les idées de [[Bernard Stiegler]])''</div> | ||
''(Cf. les idées de [[Bernard Stiegler]])''</div> | |||
* peut conduire à un affaiblissement du collectif | * peut conduire à un affaiblissement du collectif | ||
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* Notion de travail du consommateur, développée par Marie-Anne Dujarrier | * Notion de travail du consommateur, développée par Marie-Anne Dujarrier | ||
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'''L’économie de plateforme : glissement de la création de valeur économique vers de nouveaux acteurs''' | '''L’économie de plateforme : glissement de la création de valeur économique vers de nouveaux acteurs''' | ||
* Développement de modèles alternatifs de production (Cf. les communs) | * Développement de modèles alternatifs de production (Cf. les ''communs'') | ||
* Affaiblissement de “l’avantage organisationnel du salariat” (Cf. Uberisation) | * Affaiblissement de “l’avantage organisationnel du salariat” (Cf. ''Uberisation'') | ||
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* Les logiques réputationnelles et les algorithmes du temps réel => situations de “sur-subordination” | * Les logiques réputationnelles et les algorithmes du temps réel => situations de “sur-subordination” | ||
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Doit-on s’attendre à la fin du salariat ou à sa simple mutation ?''' | '''Doit-on s’attendre à la fin du salariat ou à sa simple mutation ?''' | ||
* Projections annonçant la fin du salariat | |||
* Constats qui contredisent ces projections | |||
* A l’intersection : nouvelles définitions du système socio-économique (post-salariat, néo-salariat) | |||
'''Les institutions du travail, telles qu’elles ont été organisées depuis la révolution industrielle, sont-elles soutenables ?''' | |||
(sécurité sociale, droit du travail, juridictions du travail, syndicats, administrations publiques, organismes de gestion des droits, etc.) | |||
* Dévalorisation de facto du travail salarié | |||
* Subordination des institutions salariales à des logiques de marché | |||
* Inadaptation des indicateurs (catégorisations de disciplines et de métiers trop statiques) => politiques inefficaces | |||
'''Se focaliser sur le devenir du salariat n’est-il pas le moyen de se détourner d’enjeux plus structurels ?''' | |||
* Futur du salariat vs. devenir de l’emploi en général | |||
* Effets de futures régulations sur l’emploi, la croissance, la structuration industrielle (enchaînement globaux) | |||
* Dissociation croissante (ou la demande de dissociation) entre travail et revenu | |||
* Protection des droits des travailleurs et leur représentation | |||
* Accentuation - ou non - de la segmentation du marché du travail | |||
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'''Les communs peuvent-ils porter un modèle alternatif de production ?''' | |||
Les communs désignent des ressources gérées par une communauté, qui en définit les droits d'usage, organise son propre mode de gouvernance et les défend contre les risques d'enclosure23. Il peut s'agir d'une communauté locale gérant une ressource matérielle (ex : un jardin partagé) ou d'une communauté globale gérant une ressource immatérielle (ex : Wikipédia). | |||
Les communs, et plus particulièrement la production entre pairs basée sur les communs24, sont souvent décrits comme un modèle alternatif à la gestion par l’Etat ou le marché. Cette notion, qui s’inscrit dans l’histoire longue des « communaux » se retrouve réactivée par le numérique. En effet, ici, l’effondrement des coûts de transaction ne mène plus seulement à une externalisation par le marché et la sortie du salariat, mais aussi à l’apparition d’un mode de production et de gestion de ressources en dehors des régimes classiques de propriété, qui privilégie la valeur d’usage des ressources (l’intérêt pour les individus et les collectivités) plutôt que leur valeur d’échange (leur monétisation en fonction de leur rareté, définie par l’équilibre entre offre et demande). | |||
On distingue différentes problématiques qui ont émergé avec ce « retours des communs » | |||
* Tout d’abord celle de l’articulation avec des régimes de propriété traditionnelle, notamment de la propriété intellectuelle. Les communs consistent en effet en des formes de partage et de distribution inédits des attributs du droit de propriété où peuvent se retrouver différents degrés d’exclusivité des droits (droits d’accès, d’usage, de prélèvement ou d’exploitation). La contradiction entre les modes de diffusion et de réutilisation des oeuvres de l’esprit produits par des pairs dans une logique de communs et le droit d’auteur a ainsi abouti au développement de solutions contractuelles innovantes (mouvement du logiciel libre, licences de type Creative Commons). Cette forme de gratuité coopérative basée sur la contribution et le partage rassemble de nombreuses communautés d’échange et crée une nouvelle forme de richesse, aussi bien économique que sociale ; | |||
* L’inscription des communs dans le champ économique soulève néanmoins des interrogations quant à la pérennité de certains modèles, qui dépendent d’un financement ou de contributions extérieurs et qui restent vulnérables face à la captation par de grands acteurs. Certaines solutions contractuelles tentent ainsi de favoriser, au-delà de la libre réutilisation, une forme de responsabilité des utilisateurs des ressources communes. Les licences “share-alike” permettent par exemple aux auteurs d’imposer que le partage de leurs créations se fassent dans les mêmes conditions que le partage initial et ainsi d’entraîner une forme de viralité dans la diffusion ouverte d’une oeuvre. D’autres licences visent plus explicitement le risque d’appropriation ou de captation prédatrice par le secteur commercial. Certaines tentent ainsi d’établir un mécanisme de réversion dès lors qu’une organisation capitaliste fait usage d’une ressource en commun (Peer Production Licence & | |||
Reciprocity Licence). En outre, certains auteurs se prononcent en faveur d’une protection des communs qui ne serait plus seulement contractuelle, et militent ainsi pour une inscription positive d’un “domaine commun” dans la loi, ou encore pour la création d’une nouvelle forme d’association, avec un régime associé de protection | |||
contre les accaparements ou “abus de biens communs” ; | |||
Pour Michel Bauwens, ces mécanismes doivent permettre le développement d’une véritable alternative au système du salariat, et plus largement au capitalisme, par le développement d’une “véritable contre-économie éthique et coopérative”, qui n’est pas focalisée sur l’accumulation du capital et l’externalisation des coûts sociaux | |||
et environnementaux, mais sur un marché essentiellement basé sur la réciprocité26. La multiplication des communs mènerait alors - selon lui - à une accumulation de | |||
ressources communes qui permettrait une production indépendante du champ de la rationalité économique, où l’on peut assurer sa subsistance à travers la contribution, sous condition du développement d’une infrastructure appuyée par des mécanismes de rétribution, par exemple des licences d’utilisation, mais aussi des monnaies alternatives - voire des solutions technologiques comme la blockchain. D’autres auteurs ont d’avantage articulé la question de la rémunération des contributeurs aux communs avec la création d’un revenu de base ou contributif. | |||
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=== LE NUMÉRIQUE RENFORCE-T-IL LA SEGMENTATION DU MARCHE DU TRAVAIL ? EST-CE UN PHÉNOMÈNE DURABLE OU TRANSITOIRE ? === | === LE NUMÉRIQUE RENFORCE-T-IL LA SEGMENTATION DU MARCHE DU TRAVAIL ? EST-CE UN PHÉNOMÈNE DURABLE OU TRANSITOIRE ? === |
Version du 16 janvier 2016 à 18:58
>>>>>> TRAVAIL EN COURS - NE PAS DIFFUSER <<<<<<
Résumé du rapport du Conseil National du Numérique Travail - Emploi - Numérique / Les nouvelles trajectoires
AVANT PROPOS
3 problématiques principales :
- quels nouveaux métiers, quelles nouvelles compétences et comment conduire la transformation numérique des entreprises ?
- quelles sont les pratiques numériques des services publics de l’emploi dans le monde ?
- comment l’automatisation et la numérisation des activités agissent-elles sur le travail et ses conditions ?
Une méthodologie avec 2 partis pris :
- assumer l’inconnu : ne pas arbitrer entre les scénari prospectifs sur le futur de l’emploi
- axer le rapport sur le numérique : identifier opportunités / risques, proposer des méthodes d’analyse, entendre les retours d’expériences
Un rapport en 2 parties :
- cartographie non exhaustive des controverses identifiées
- exposé des recommandations : pistes de méthodes
INTRODUCTION
Le Cnum réfute l'idée selon laquelle la mutation profonde actuelle ressemblerait à des événements antérieurs connus.
50% des emplois sont menacés par l’automatisation dans un horizon proche : il faut entreprendre une révolution épistémologique
Anticiper devient plus difficile, au plan individuel comme au plan collectif. Il s'agit donc de mettre en place des formes résilientes de gestion de l’incertitude.
Agir est nécessaire pour l'état, il n’est pas possible de se contenter du statu quo.
Objectifs principaux :
- Valoriser les parcours hybrides, la pluriactivité, les changements de statut, les prise d’initiatives… (attention aux aux inégalités dans la capacité à s’adapter au changement)
- Transformer les organisations pour en faire des lieux d’émancipation et d’apprentissage, réforme des modes d’organisation et de gouvernance des entreprises
- Recréer du collectif, pour tous et à toutes les échelles (nouveaux travailleurs indépendants, organisation, société), réfléchir sur les modèles de distribution et de redistribution et sur la prise en compte des activités socialement utiles bien qu’hors emploi. Le travail doit être compris, dans sa signification la plus globale, comme constitutif de biens communs qui profitent à tous, et plus généralement du commun, c’est-à-dire de la capacité des membres d’une société à avancer ensemble.
- Repenser la relation entre le travail et la (re)distribution des richesses pour enrayer la progression des inégalités. Accumulation de richesses entre un nombre toujours plus restreint de personnes. Il faut choisir de nouveaux modèles, construits autour d’une conception rénovée de l’emploi, de l’outil fiscal ou d’un schéma alternatif de distribution.
- Favoriser la capacitation des individus : autonomisation des salariés, système de formations adapté à la transition numérique, réforme de la conception de la protection sociale et des négociations collectives, mise en place de nouveaux canaux de redistribution de la richesse
CARTOGRAPHIE DES CONTROVERSES
S'agissant de controverses, pas de réponses définitives, mais un exposé des questions qui se posent et sont en débat.
QUELLE PLACE ET QUEL STATUT POUR LE TRAVAIL HUMAIN DANS LA SOCIÉTÉ DE DEMAIN ?
Une modification des structures de travail plus rapide et intense depuis les années 1950.
Un débat sur la fin du travail depuis les années 1980 :
- la forme "travail" telle que nous la connaissons a été mise en place à la fin du 18ème siècle ?
- le travail n'a pas toujours été à la base du lien social ?
- le travail n'est plus capable d'être le vecteur de l’organisation économique ?
L’automatisation du secteur tertiaire soulève de nouveaux enjeux :
- niveau macroéconomique : quantité de travail disponible ?
- nature des nouveaux métiers (dans quel secteur ?)
- quelles interactions travailleurs / machines ?
- les structurations en réseau distribué favorisent la mise en place de projets fondés sur la contribution volontaire d’un ensemble d’individus ( logiciel libre, plateformes de travail à la demande)
- les nouveautés technologiques telles que la Blockchain sont à l’origine de formes nouvelles d’entreprises, fondées sur la multi-appartenance et la contribution sporadique validée par les pairs, et productrices d’externalités.
- un renouvellement des pratiques est en cours du côté de la production industrielle : augmentation du nombre de tiers-lieux de production collaboratifs et de mouvements visant à développer les pratiques artisanales, tels que le mouvement des makers
Peut-on mesurer le nombre d’emplois détruits par les machines ?
- étude Carl Frey et Michael Osborne : États-Unis à horizon 20 ans, 47 % des emplois ont une probabilité forte d’être automatisés, 19 % une probabilité moyenne et 33 % une probabilité faible.
- étude cabinet Roland Berger : France à horizon 10 ans, 20% des tâches seront automatisables donc 42% des métiers hautement susceptibles d’automatisation.
Ces prévisions ont fait l’objet de critiques, des auteurs de l’étude eux-mêmes.
Quelle est la nature des emplois détruits et des emplois créés ?
- Le numérique va-t-il créer des emplois ?
- Les métiers peu qualifiés vont-ils disparaître ?
LE NUMÉRIQUE FAVORISE-T-IL UNE AUTONOMISATION ÉMANCIPATRICE DES TRAVAILLEURS ?
D'un côté on assiste à :
- L’individualisation
- La reconnaissance de l’autonomie en droit du travail : loi Aubry 2 n° 2000-37 du 19 janvier 2000 sur les forfait-jours
- Des modes d’organisation plus souples dans l’entreprise : nomades numériques, télétravail, tiers-lieux, espaces de coworking
- L’augmentation des activités indépendantes : 10,3 % de la population active (activités artisanales traditionnelles grâce à la baisse du coût des moyens de production, plateformes d’emploi pour auto-entrepreneurs, freelance, travailleurs à la demande)
De l’autre on assiste à :
- L’intensification du travail : augmentation du nombre de tâches à réaliser en 1h et quantité de demandes extérieures à satisfaire en 24h + contrôle ou suivi informatisé
- Les phénomènes d’usure psychologique : culture de l’urgence et de l’immédiateté, connexion permanente
- Le renouvellement des outils de contrôle des travailleurs : outils de reporting, notifications immédiates sur boîtes mails, surveillance des comportements par les métadonnées et les "traces numériques"
L’effet du numérique sur l’autonomie des travailleurs est-il différent suivant les catégories socio-professionnelles ?
- Le numérique peut être facteur à la fois d’autonomie au travail mais également d’un accroissement de la surveillance et du contrôle. Attention aux conditions de travail et d’exécution des tâches.
- Le travailleur qualifié = celui qui a la capacité à adopter des outils numériques nouveaux ET à s’adapter aux nouvelles formes de travail
L’autonomisation dans le travail est-elle synonyme d’émancipation ?
- Le numérique permet et promeut une manière de travailler particulière, fondée sur la contribution, le partage d’information et la créativité.
- Il est nécessaire pour toute entreprise, et notamment française, de faire de sa capacité de créativité et d’innovation son levier majeur de compétitivité
- La valeur ajoutée du travail humain sur le travail des machines = la mise en oeuvre de capacités d’intuition, de créativité, d’adaptabilité
- La culture de l’autodidactisme, du bricolage et de la diffusion des savoirs est valorisée par le mouvement des makers (Cf. Do It Yourself)
Paradoxes de l’autonomie :
- peut être subie et non voulue (vécu comme souffrance au travail) : dispositifs d’accompagnement des individus
- peut receler des dispositifs d’incitation à certains comportements, tels que des dispositifs d’enrôlement : prolétarisation, destruction des savoirs (théoriques, -faire, -être) (Cf. les idées de Bernard Stiegler)
- peut conduire à un affaiblissement du collectif
LE SALARIAT EST-IL DÉPASSÉ ?
Récentes évolutions de la structure de l’emploi : un regain du travail indépendant à relativiser
- Apparition de formes hybrides d’emploi à la frontière du salariat (portage salarial, franchise, intérim, etc.)
Mutations dans l’organisation de la production - de l’externalisation de la production jusqu’au travail du consommateur
- Le modèle salarial comme mode de gestion efficace et rentable de la production est remis en cause
- Notion de travail du consommateur, développée par Marie-Anne Dujarrier
L’économie de plateforme : glissement de la création de valeur économique vers de nouveaux acteurs
- Développement de modèles alternatifs de production (Cf. les communs)
- Affaiblissement de “l’avantage organisationnel du salariat” (Cf. Uberisation)
Émiettement de la corrélation entre dépendance économique et subordination juridique
- Les logiques réputationnelles et les algorithmes du temps réel => situations de “sur-subordination”
Doit-on s’attendre à la fin du salariat ou à sa simple mutation ?
- Projections annonçant la fin du salariat
- Constats qui contredisent ces projections
- A l’intersection : nouvelles définitions du système socio-économique (post-salariat, néo-salariat)
Les institutions du travail, telles qu’elles ont été organisées depuis la révolution industrielle, sont-elles soutenables ?
(sécurité sociale, droit du travail, juridictions du travail, syndicats, administrations publiques, organismes de gestion des droits, etc.)
- Dévalorisation de facto du travail salarié
- Subordination des institutions salariales à des logiques de marché
- Inadaptation des indicateurs (catégorisations de disciplines et de métiers trop statiques) => politiques inefficaces
Se focaliser sur le devenir du salariat n’est-il pas le moyen de se détourner d’enjeux plus structurels ?
- Futur du salariat vs. devenir de l’emploi en général
- Effets de futures régulations sur l’emploi, la croissance, la structuration industrielle (enchaînement globaux)
- Dissociation croissante (ou la demande de dissociation) entre travail et revenu
- Protection des droits des travailleurs et leur représentation
- Accentuation - ou non - de la segmentation du marché du travail
Les communs peuvent-ils porter un modèle alternatif de production ? Les communs désignent des ressources gérées par une communauté, qui en définit les droits d'usage, organise son propre mode de gouvernance et les défend contre les risques d'enclosure23. Il peut s'agir d'une communauté locale gérant une ressource matérielle (ex : un jardin partagé) ou d'une communauté globale gérant une ressource immatérielle (ex : Wikipédia).
Les communs, et plus particulièrement la production entre pairs basée sur les communs24, sont souvent décrits comme un modèle alternatif à la gestion par l’Etat ou le marché. Cette notion, qui s’inscrit dans l’histoire longue des « communaux » se retrouve réactivée par le numérique. En effet, ici, l’effondrement des coûts de transaction ne mène plus seulement à une externalisation par le marché et la sortie du salariat, mais aussi à l’apparition d’un mode de production et de gestion de ressources en dehors des régimes classiques de propriété, qui privilégie la valeur d’usage des ressources (l’intérêt pour les individus et les collectivités) plutôt que leur valeur d’échange (leur monétisation en fonction de leur rareté, définie par l’équilibre entre offre et demande). On distingue différentes problématiques qui ont émergé avec ce « retours des communs »
- Tout d’abord celle de l’articulation avec des régimes de propriété traditionnelle, notamment de la propriété intellectuelle. Les communs consistent en effet en des formes de partage et de distribution inédits des attributs du droit de propriété où peuvent se retrouver différents degrés d’exclusivité des droits (droits d’accès, d’usage, de prélèvement ou d’exploitation). La contradiction entre les modes de diffusion et de réutilisation des oeuvres de l’esprit produits par des pairs dans une logique de communs et le droit d’auteur a ainsi abouti au développement de solutions contractuelles innovantes (mouvement du logiciel libre, licences de type Creative Commons). Cette forme de gratuité coopérative basée sur la contribution et le partage rassemble de nombreuses communautés d’échange et crée une nouvelle forme de richesse, aussi bien économique que sociale ;
- L’inscription des communs dans le champ économique soulève néanmoins des interrogations quant à la pérennité de certains modèles, qui dépendent d’un financement ou de contributions extérieurs et qui restent vulnérables face à la captation par de grands acteurs. Certaines solutions contractuelles tentent ainsi de favoriser, au-delà de la libre réutilisation, une forme de responsabilité des utilisateurs des ressources communes. Les licences “share-alike” permettent par exemple aux auteurs d’imposer que le partage de leurs créations se fassent dans les mêmes conditions que le partage initial et ainsi d’entraîner une forme de viralité dans la diffusion ouverte d’une oeuvre. D’autres licences visent plus explicitement le risque d’appropriation ou de captation prédatrice par le secteur commercial. Certaines tentent ainsi d’établir un mécanisme de réversion dès lors qu’une organisation capitaliste fait usage d’une ressource en commun (Peer Production Licence &
Reciprocity Licence). En outre, certains auteurs se prononcent en faveur d’une protection des communs qui ne serait plus seulement contractuelle, et militent ainsi pour une inscription positive d’un “domaine commun” dans la loi, ou encore pour la création d’une nouvelle forme d’association, avec un régime associé de protection contre les accaparements ou “abus de biens communs” ;
Pour Michel Bauwens, ces mécanismes doivent permettre le développement d’une véritable alternative au système du salariat, et plus largement au capitalisme, par le développement d’une “véritable contre-économie éthique et coopérative”, qui n’est pas focalisée sur l’accumulation du capital et l’externalisation des coûts sociaux
et environnementaux, mais sur un marché essentiellement basé sur la réciprocité26. La multiplication des communs mènerait alors - selon lui - à une accumulation de
ressources communes qui permettrait une production indépendante du champ de la rationalité économique, où l’on peut assurer sa subsistance à travers la contribution, sous condition du développement d’une infrastructure appuyée par des mécanismes de rétribution, par exemple des licences d’utilisation, mais aussi des monnaies alternatives - voire des solutions technologiques comme la blockchain. D’autres auteurs ont d’avantage articulé la question de la rémunération des contributeurs aux communs avec la création d’un revenu de base ou contributif.